Gabriel Attal a annoncé le 5 décembre les mesures qu’il compte mettre en oeuvre dès la rentrée prochaine dans le cadre d’une prétendue « exigence des savoirs ». Ce plan organise la déréglementation généralisée des enseignements en collège, avec l’explosion des classes au profit de groupes de niveau « flexibles », avec la remise en cause de tous les programmes et horaires nationaux adaptables en fonction des décisions pédagogiques locales, etc.
LE CHOC DES SUPPRESSIONS DE POSTES
Le ministre Attal communique beaucoup, il ne cesse de multiplier les annonces de « revitalisation pédagogique » et autres slogans dans les médias et sur les boites mails professionnelles des agents, mais il ne trompe personne.
Alors que l’Éducation nationale manque de toutes les catégories de personnels (professeurs, CPE, AED, AESH, psy-EN, assistantes sociales, infirmières, médecins, personnels administratifs…), il maintient la suppression de 2 500 suppressions postes (dont 680 dans le second degré) à la rentrée prochaine, dans le cadre du budget 2024 passé sans débat et sans vote par le 49-3 à l’Assemblée nationale. Ces suppressions s’ajoutent aux presque 10 000 postes qui ont déjà été supprimés depuis 2017, alors qu’en 6 ans le nombre d’élèves scolarisé dans le second degré a augmenté de 150 000.
MOINS ÇA MARCHE, PLUS ON CONTINUE
La référence aux résultats PISA devrait amener le ministre à constater l’état de banqueroute de l’instruction générée par la succession des réformes qui s’abattent année après année sur l’Education nationale et ses personnels. Mais le ministre choisit d’aller toujours plus loin dans le plan de restructuration, de liquidation de l’école publique en s’appuyant sur le triptyque déréglementation, territorialisation, contractualisation. Ainsi il a mis en place le Pacte, et cherchera par exemple à l’utiliser pour des « stages de réussite durant les vacances scolaires conditionnant [le] passage dans la classe supérieure ».
Ainsi il maintient les réformes Blanquer du baccalauréat et du lycée : le contrôle continu qui a supprimé la valeur nationale du diplôme et a transformé le baccalauréat en diplôme local, les pressions sur la notation des enseignants et le stress sur les élèves qui en découlent, les spécialités qui font exploser les emplois du temps, rendent les conseils de classe délirants, placent les disciplines en concurrence les unes avec les autres, suppriment le groupe classe ce qui isole les élèves et augmente leur stress.
Pire, il étend les mêmes recettes néfastes au collège : les groupes de niveaux en français et mathématiques, flexibles tout au long du collège, vont déstructurer les groupes classes et les emplois du temps.
DES GROUPES DE NIVEAUX EN COLLÈGE AU DÉTRIMENT DES AUTRES DISCIPLINES…
Au fur et à mesure des baisses de moyens et des suppressions de postes, les élèves sont de plus en plus entassés dans les classes, seuls quelques petits groupes pouvaient subsister ici ou là.
Le ministre met au premier plan de sa communication « l’exigence des savoirs », au nom de laquelle il prétend, sans créer le moindre poste, « élever le niveau » en renforçant les apprentissages des élèves les plus fragiles en français et en mathématiques. Mais dans le même temps, il envisage de « réduire (…) le volume horaire d’autres disciplines » et, dans la continuité de ses prédécesseurs, poursuit les mesures attaquant l’enseignement disciplinaire : ainsi, en supprimant 2 500 postes, il retire plus de 2 millions d’heures de cours aux élèves (près de 450 000 heures dans les collèges et lycées).
Le SNFOLC revendique l’allègement des effectifs dans toutes les disciplines, ce n’est pas le choix fait par le ministre !
« À compter de la rentrée prochaine, les élèves de 6 ème et de 5 ème seront donc désormais répartis en 3 groupes de niveaux pour leurs enseignements de français et de mathématiques. Ces
groupes seront flexibles et leur dimension adaptée : des créations de postes permettront de limiter le groupe des élèves les plus en difficulté à une quinzaine d’élèves. » Avec quels moyens sera financée la mise en place de ces groupes de niveaux en 6 ème et en 5 ème (puis, dès 2025, en 4 ème et en 3 ème ), de quelles créations parle le ministre ? Qui va assurer ces heures alors que les
concours ne font pas le plein ? Les enseignants concernés devront-ils absorber encore plus d’HSA ? Va-t-on prendre toutes les heures de marges pour le français, les mathématiques, voire à d’autres disciplines ? La suppression de la technologie en 6 ème par le ministre Ndiaye constitue à ce titre un fâcheux et inquiétant précédent.
DÉSORGANISATION DES CLASSES, DES EMPLOIS DU TEMPS
« Ces groupes de niveaux seront constitués en fonction des besoins identifiés par les professeurs ainsi que par les résultats aux tests de positionnement de début d’année et pourront évoluer en cours d’année pour tenir compte de la progression des élèves » : la composition des groupes sera à revoir tout au long de l’année, ce qui suppose donc qu’il faut aligner TOUTES les heures de Français et de Mathématiques de TOUTES les classes : cela va créer des contraintes énormes qui laissent craindre le pire pour nos conditions de travail à venir, tous les emplois du temps de toutes les disciplines en seront impactés.
Ce sera d’autant plus le cas dans les collèges de l’Education Prioritaire, où le ministre veut généraliser l’accueil de 8h à 18h « en proposant des activités variées aux élèves : aide aux devoirs, éducation culturelle et artistique, éducation physique et sportive, sorties scolaires. »
« Les groupes les plus en difficulté seront dédoublés, avec des effectifs réduits, permettant aux professeurs de disposer des conditions d’enseignement les plus favorables pour faire progresser leurs élèves » : les autres groupes seront par contrecoup d’autant plus chargés, de même que les classes entières. Au moment où l’Acte 2 de l’Ecole Inclusive, avec son concept d’« Ecole pour tous », a pour objectif de réduire encore les notifications MDPH et l’accès aux soins des élèves et aux structures spécialisées vouées à être dissoutes dans les établissements scolaires, les groupes « les plus en difficultés » risquent fort de regrouper les élèves victimes de l’inclusion systématique qui n’auront pu être affectés dans les établissements médico-sociaux, structures spécialisées et adaptées.
Avec la FNEC FP-FO, le SNFOLC appelle les personnels à la grève le 25 janvier et à manifester à Paris pour le rétablissement du droit à un enseignement spécialisé et adapté pour tous les élèves dont la situation l’exige, la création des postes, des structures et des établissements spécialisés à hauteur des besoins, le recrutement des AESH, sous un statut Fonction publique, avec un vrai salaire et un vrai statut et l’abandon des PIAL et de la mutualisation.
« Pour les autres enseignements, le groupe classe demeurera, permettant de combiner les apports de la mixité scolaire et des pédagogies différenciées pour les élèves » : en clair, pour les « autres enseignements », ce sera en classe entière avec des effectifs pleins et les professeurs se débrouilleront avec ça, y compris pour gérer les effets de la stigmatisation sur les élèves des « groupes les plus en difficulté » et les conséquences sur l’ambiance de classe quand les élèves seront séparés en français et mathématiques, soit pour un tiers du temps.
Et que dire de la « scolarisation aménagée » des collégiens les plus en difficulté en français et mathématiques ? Comment le ministre conçoit-il la « réduction temporaire des cours » dans d’autres disciplines ? A quelles tâches seront affectés ceux qui verront leur enseignement disciplinaire diminué ? Quid des obligations réglementaires de service des enseignants, des programmes nationaux et de l’enseignement disciplinaire ? Pourquoi retirer aux élèves en difficulté en français et en mathématiques des enseignements où ils sont peut-être en réussite ?
Les enseignants du second degré ne sont pas des personnels aux compétences modulables au gré des réformes !
LE « CHOC DES SAVOIRS ATTAL » DANS LA MATRICE DE LA RÉFORME BLANQUER DU LYCÉE
Expression du « en même temps », pour ne pas dire de l’enfumage, le ministre Attal affirme qu’il faut redonner au diplôme du brevet la valeur d’un véritable examen national », mais il maintient le bac Blanquer et Parcoursup ! Le SNFOLC revendique l’abrogation de Parcoursup et le rétablissement du baccalauréat comme premier grade universitaire fondé sur des épreuves disciplinaires, nationales, ponctuelles, terminales, et anonymes.
Le contrôle continu est maintenu. Loin de revenir sur le tronc commun imposé par la réforme Blanquer du baccalauréat, dont « l’enseignement scientifique » associant sur un même horaire 3 disciplines, le ministre va encore plus loin dans la remise en cause des disciplines par l’annonce pour l’année scolaire 2025-26 d’une nouvelle épreuve anticipée « de culture mathématique et scientifique », « qui pourra présenter des adaptations pour tenir compte du parcours des candidats » ; ce n’est donc ni une épreuve disciplinaire ni nationale. Par contre « cette épreuve nouvelle nécessitera de revoir la pédagogie des mathématiques au collège et au lycée », ce qui laisse présager de nouveaux bouleversements.
Il maintient le contrôle continu pour le baccalauréat, mais également pour le brevet et accentue la pression sur les personnels puisqu’à la rentrée 2025 « le brevet deviendra obligatoire pour passer directement en 2nde : les élèves qui n’auront pas le brevet seront scolarisés en «prépa-lycée» pendant un an » : qui devra s’occuper des élèves qui n’auront pas le brevet ? Dans quels établissements seront-ils accueillis ? Va-t-on demander aux professeurs des lycées professionnels de s’occuper de ces élèves ? Car parmi les 85 000 élèves qui n’ont pas eu le brevet de série générale en 2023 la plupart vont au lycée professionnel, mais parallèlement aux annonces Attal la réforme Grandjean de la voie professionnelle annonce des fermetures de sections entières…
Plutôt que d’annuler les suppressions de postes et de créer les postes nécessaires, le ministre propose d’abandonner les élèves les plus fragiles en recourant à l’IA et en plaçant ceux qui ont
besoin de davantage de professeurs devant des machines ! Comment ne pas voir dans cette annonce un pas de plus vers la destruction-privatisation de l’Ecole publique ?
Et pendant ce temps le ministre annonce la suppression de classes de CPGE, les élèves de seconde seront deux semaines en entreprise ou au SNU, les élèves en collège à partir de la cinquième vont découvrir des métiers avec certainement des heures prises sur les heures disciplinaires, il ne remet pas en cause les réformes du lycée et du collège qui ont supprimé des heures de cours et donc du savoir pour les élèves… Et oui c’est cela aussi le « choc des savoirs ».
Pour faire progresser les élèves, une seule solution : diminuer le nombre d’élèves par classe ET renforcer le statut du professeur.
Cela passe par une augmentation salariale conséquente, renforcer le poids et la place accordés aux contenus disciplinaires. Les personnels sont contre une dérèglementation tout azimut et un changement de statut.
Le SNFOLC invite les personnels à se réunir dans les établissements, afin d’élaborer dans l’unité la plus large leurs cahiers de revendications et de préparer immédiatement les conditions de la mobilisation pour faire barrage aux mesures Attal et imposer la satisfaction de toutes les revendications :
- annulation des 2500 suppressions de postes, rétablissement de tous les postes et création des postes statutaires nécessaires ;
- augmentation du point d’indice (10% tout de suite, rattrapage des 28,5% perdus depuis 2000) et réindexation des salaires sur l’inflation ;
- rétablissement de toutes les heures de cours disciplinaire ;
- respect des statuts, abrogation du pacte enseignant ;
- rétablissement du baccalauréat comme premier grade universitaire fondé sur des épreuves disciplinaires, nationales, ponctuelles, terminales, et anonymes ; abrogation de Parcoursup…
Face à cette offensive d ’envergure contre le droit à l’instruction et nos missions statutaires, le SNFOLC convoque une conférence nationale le 29 mars à Paris en défense des disciplines, des diplômes nationaux et du droit à l’instruction.