Le droit de grève est une conquête sociale obtenue de haute lutte.
Qui a le droit de déposer un préavis de grève ?
Quelles sont les modalités de grève interdites ?
Suis-je tenu de respecter un délai de prévenance ?
Existe-t-il une obligation de service minimum dans l’enseignement secondaire ?
Si je suis gréviste, puis-je être réquisitionné(e) par mon chef d’établissement ?
Quelles sont les conséquences financières de l’exercice du droit de grève ?
Quels sont mes recours en cas de retraits sur salaire indus ?
L’exercice du droit de grève a-t-il un effet sur l’avancement de carrière ?
Puis-je être sanctionné(e) pour avoir fait grève ?
Le droit de grève est une conquête sociale obtenue de haute lutte.
Sous couvert d’assurer la «liberté du travail», la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 interdit toutes formes d’association professionnelle et toute grève. Sur ce fondement, l’article 415 du code pénal (1810) punit « d’un emprisonnement d’un mois au moins et de trois mois au plus» «toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler». «Les chefs ou moteurs seront punis d’un emprisonnement de deux à cinq ans.» La loi du 27 novembre 1849 ramène la peine encourue par les grévistes à « un emprisonnement de six jours à trois mois et [à] une amende de 16 francs à 3,000 francs». Celle prévue pour les meneurs reste inchangée. Pour essayer d’élargir l’assise sociale de son régime, Napoléon III autorise le droit de grève dans le secteur privé(loi Ollivier du 25mai 1864).Au nom de la continuité des services publics, la cessation collective et concertée du travail reste cependant illicite pour les agents de l’Etat. L’article 17 du statut des fonctionnaires du 14 septembre 1941 promulgué par le régime de Vichy prévoit des sanctions pour les agents grévistes. « Tout acte d’un fonctionnaire portant atteinte à la continuité indispensable à la marche normale du service public qu’il a reçu mission d’assurer constitue le manquement le plus grave à ses devoirs essentiels. Lorsqu’un acte de cette nature résulte d’une action collective ou concertée, il a pour effet de priver le fonctionnaire des garanties prévues par le présent statut en matière disciplinaire.» C’est à la suite du programme du conseil national de la résistance que le droit de grève leur est enfin reconnu (alinéa 7 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946). Mais cet acquis social est sans cesse menacé, comme l’ont montré les menaces de sanctions proférées par le gouvernement lors de la grève menée en juin 2019 par les surveillants, les correcteurs et les examinateurs lors des épreuves des examens.
Qu’est-ce que la grève ?
Comme la loi ne définit pas la grève, il faut se reporter à la jurisprudence pour en déterminer les caractéristiques en droit. Le juge juridique considère qu’il s’agit d’un « arrêt collectif et concerté du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles » (Cour de Cassation, Chambre sociale, 16 mai 1989, 85-43.359 85-43.365 ; Cass. Soc., 2 février 2006, 04-12.336 ; Cass. Soc., 11 février 2015, 13-14.607…) et le juge administratif d’une « cessation concertée du service » en vue d’assurer « la défense des intérêts professionnels » (CE Ass. 7 juillet 1950, Dehaene req. n°01645). Le droit de grève ne peut s’exercer que collectivement : en principe une personne seule ne peut faire grève sauf lorsqu’elle est seule à pouvoir défendre ses revendications professionnelles (CAA de Marseille, 18 juin 1998 Mlle Thomas, req. n° 96MA10733 en l’occurrence, il s’agissait d’un agent communal assurant seul la visite d’un château médiéval).
Pour Force Ouvrière, la grève n’est pas une fin en soi :c’est un moyen de créer un rapport de force favorable aux personnels afin de faire avancer leurs revendications.
Ai-je le droit de grève ?
L’alinéa 7 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 reconnaît aux salariés la possibilité de faire grève : « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. » Par une décision n° 75-56 DC du 25 juillet 1975, le Conseil constitutionnel estime que ce texte a toujours une valeur constitutionnelle du fait qu’il est cité dans le préambule de la constitution du 4 octobre 1958. Les agents publics bénéficient du même droit, conformément à l’article 10 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 : « les fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent. » Seuls en sont privés les fonctionnaires actifs de la police nationale (article 2 de la loi n°48-1504 du 28 septembre 1948), les magistrats judiciaires (article 10 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958), les militaires (article L4121-4 du code de la défense), les employés des services extérieurs de l’administration pénitentiaire (article 3 de l’ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958), les membres du corps préfectoral (article 15 du décret no 64-805 du 29 juillet 1964), les personnels des transmissions du ministère de l’Intérieur (article 10 de la loi no 68-695 du 31 juillet 1968 de finances rectificatives) et les agents civils de la DGSE (article 2 du décret n° 2015-386 du 3 avril 2015). Le Conseil Constitutionnel (décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979) ou la Cour européenne des droits de l’homme ne se sont pas opposés à ces interdictions (CEDH, 21 avril 2009, Enerji Yapi-Yol Sen c/Turquie, req. 68959/01). Celles-ci ne concernent en rien le second degré. Les personnels enseignants, d’éducation ou psychologues de l’Education nationale, titulaires, stagiaires ou contractuels ont le droit de faire grève, dans le respect de la législation et la réglementation en vigueur.
Qui a le droit de déposer un préavis de grève ?
Au terme de l’article L2512-2 du code du Travail (qui s’applique ici expressément aux personnels de l’Etat conformément à l’article L2512-1), un préavis doit être déposé par un ou plusieurs syndicats re- présentatifs 5 jours francs au moins avant le début de la grève, précisant les motifs de la grève, le lieu, la date et l’heure de début ainsi que la durée de la grève envisagée. « Pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier. » Pour décompter en jours francs, il faut exclure le jour de l’événement qui initie le point de départ du délai (article 641 du code de procédure civile) puis décompter chaque jour qui suit de 0h à 24h. Si le dernier jour survient un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est repoussé au premier jour ouvrable qui suit (article 642 du code de procédure civile). Dans la fonction publique, sont considérées comme représentatives « les organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s’exerce la participation des fonctionnaires » (article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983). Force Ouvrière qui a des élus au Conseil commun de la fonction publique (CCFP), au Conseil supérieur de la fonction publique d’Etat (CSFPE), au comité technique du ministère de l’Education nationale (CTM) et dans la plupart des comités techniques académiques (CTA) est une organisation syndicale représentative. Elle a donc le droit de déposer des préavis de grève. Selon que les revendications sont inter-catégorielles, fonction publique, Education nationale, second degré, ou internes à un établissement ce sont la confédération FO, la fédéra- tion FGF-FO, la fédération FNEC FP-FO, le syndicat national ou les syndicats départementaux qui déposent le préavis. Ces préavis sont adressés selon la situation, au premier ministre, au ministre de la fonction publique, au ministre de l’Education nationale, au recteur, au DASEN, au chef d’établissement. Le Conseil d’État a néanmoins jugé que la participation à une grève déclenchée en méconnaissance des dispositions de l’article L2512-2 (ex L521-3) du code du travail n’est fautive que si les agents ont été informés préalablement de l’irrégularité du préavis (CE, 8 janvier 1992, M. Ciejka et Autres req. n° 90634, 90635, 91565, 91566, 91567, 91568, 91515).
Quelles sont les modalités de grève interdites ?
L’article 4 de la loi n°63-777 du 31 juillet 1963 qui interdisait les grèves tournantes dans la fonction publique a été abrogé par la loi n°73-4 du 2 janvier mais ses dispositions ont été intégrées dans le code du travail (ancien article L521-4 devenu l’article L 2512-2). « En cas de cessation concertée de travail des personnels mentionnés à l’article L. 2512-1, l’heure de cessation et celle de reprise du travail ne peuvent être différentes pour les diverses catégories ou pour les divers membres du personnel intéressé. Sont interdits les arrêts de travail affectant par échelonnement successif ou par roulement concerté les divers secteurs ou catégories professionnelles d’un même établissement ou service ou les différents établissements ou services d’une même entreprise ou d’un même organisme. » Les grèves fondées sur des motifs d’ordre politique sont illicites (CE, 8 février 1961, Rousset, resq. n°48688-49003) et constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire (CE 1er février 1963, ministère des armées c/ sieur Audibert et autres). De même le juge administratif considère comme illégales les grèves avec occupation des locaux et peuvent donc donner lieu à des poursuites administratives « les locaux administratifs ne sauraient, sans l’autorisation du ministre compétent, être utilisés à des fins autres que celles correspondant aux besoins des services publics auxquels ils sont directement affectés » (CE, Section, 11 février 1966, Sieur Legrand, req. n°65509).
Suis-je tenu de respecter un délai de prévenance ?
Non. L’obligation de se signaler gréviste avant la grève ne concerne que le premier degré. « Toute personne exerçant des fonctions d’enseignement dans une école maternelle ou élémentaire publique déclare à l’autorité administrative au moins quarante-huit heures, comprenant au moins un jour ouvré, avant de participer à la grève son intention d’y prendre part » (article 5 de la loi n°2008-790 du 20 août 2008). Dans l’enseignement secondaire, il n’existe aucune contrainte de cette nature. C’est à l’administration de procéder au recensement des personnels absents (circulaire du 30 juillet 2003). En revanche, celle-ci peut demander après la grève aux agents s’ils étaient ou non grévistes. Le Conseil d’Etat a estimé que cela ne constitue pas en restriction du droit syndical et du droit de grève ni une atteinte grave et illégale au respect de la vie privée (CE, 25 juillet 2003, Ministère de la jeunesse, de l’éducation et de la recherche c/ Syndicat national unifié des directeurs, instituteurs et professeurs des écoles de l’enseignement publique FO req. n°258677). Le même Conseil d’Etat avait déjà considéré que, en vue de décompter les agents grévistes, le ministre de l’éducation nationale pouvait demander aux membres de l’enseignement supérieur de remplir un état de services accomplis les jours de grève (CE 31 mai 1974, req. n°90478 Ministère de l’Education nationale c/ Arcangeli). .
Existe-t-il une obligation de service minimum dans l’enseignement secondaire ?
Sous prétexte d’assurer la continuité des services publics, principe général du droit s’imposant à toute décision administrative à portée générale ou individuelle (Cons. Cons., décision n°79-105 DC du 25 juillet 1979 ; CE, 4 / 1 SSR 13 juin 1980 Mme Bonjean, req. n° 17995), le législateur limite de plus en plus fréquemment le droit de grève en imposant un service minimum à un nombre croissant de personnels: agents du contrôle de la navigation aérienne (loi n° 84-1286 du 31 décembre 1984), ceux des services de radio et de télévision (loi n° 86- 1067 du 30 septembre 1986), salariés des entreprises de transports terrestres réguliers de voyageurs (loi n° 2007-1224 du 21 août 2007)… La loi n° 2008-790 du 20 août 2008 a institué un « droit d’accueil » pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire qui vise à limiter l’effet d’une grève des professeurs des écoles. L’article 58 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique permet d’astreindre les agents territoriaux à un tel service minimum « dans les services publics de collecte et de traitement des déchets des ménages, de transport public de personnes, d’aide aux personnes âgées et handicapées, d’accueil des enfants de moins de trois ans, d’accueil périscolaire, de restauration collective et scolaire. »
Pour Force Ouvrière, l’idée d’encadrer ou de limiter le droit de grève constitue une remise en cause d’une liberté fondamentale. Dans l’enseignement secondaire, il n’existe pas de service minium.
Si je suis gréviste, puis-je être réquisitionné(e) par mon chef d’établissement ?
Non. L’exercice du droit de requérir pour les besoins généraux de la nation appartient, suivant la nature ou l’objet des réquisitions, aux ministres compétents (article L2211-3 du code de la Défense) ou aux préfets (article R2211-4 du code de la Défense). L’ordre de réquisition est donné par écrit. Il porte les nom, prénoms et qualité de l’autorité requérante, la nature, le quantum ou la durée de la prestation, le nom de la personne à qui l’ordre est remis, la date et le lieu de la réquisition et la signature de l’autorité chargée de la réquisition. Il est délivré un reçu des prestations fournies (article R2212-2 du code de la Défense). L’article L. 2215-1- 4° du code général des collectivités territoriales en facilite le recours : « en cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d’entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées. L’arrêté motivé fixe la nature des prestations requises, la durée de la mesure de réquisition ainsi que les modalités de son application. Le préfet peut faire exécuter d’office les mesures prescrites par l’arrêté qu’il a édicté. » Ces dispositions, pourtant fortement contestées, ont été jugées conformes à la constitution (Cons. Cons. Décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003). Pour leur part, les juges administratifs considèrent que le pouvoir de requérir ne peut être utilisé que dans le cas où une grève serait de nature à « porter une atteinte suffisamment grave soit à la continuité du service public, soit à la satisfaction des besoins de la population » (CE, 24, février 1961, sieur Isnardon). Les mesures de réquisition du personnel gréviste d’un établissement, même privé doivent être « imposées par l’urgence et proportionnées aux nécessités de l’ordre public » (CE, 9 décembre 2003, req. 262186, Mme Aguillon et autres). Ces conditions ne sont visiblement pas réunies lors d’une grève des personnels de l’Education nationale. En cas de réquisition abusive, il est possible de saisir le juge administratif qui, conformément à l’article L521-2 du code de justice administrative, a pouvoir de casser une décision pour assurer la « sauvegarde d’une liberté fondamentale. » Demander l’appui du syndicat avant d’entreprendre toute démarche.
Quelles sont les conséquences financières de l’exercice du droit de grève ?
Toute journée de grève, quelle que soit la durée du service non fait donne lieu à une retenue de 1/30ème de la rémunération mensuelle pour les agents de l’État et de ses Établissements Publics Administratifs (article 4 de la loi de finances rectificative n° 61-825 du 29 juil- let 1961 modifié par la loi n° 77-826 du 22 juillet 1977, abrogé par l’article 2 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982 et rétabli par l’article 89 de la loi n°87-588 du 30 juillet 1987). Cette règle a été rappelée par la circulaire du 30 juillet 2003 relative à la mise en œuvre des retenues sur la rémunération des agents publics de l’Etat en cas de grève : « le décompte des jours de grève repose sur le principe selon lequel les périodes de grèves sont considérés comme un tout. La jurisprudence administrative a précisé les modalités de la mise en œuvre de ce principe. La décision du Conseil d’Etat du 7 juillet 1978, Omont (Rec. CE, p. 304) retient l’approche suivante du décompte des jours de grève : en l’absence de service fait pendant plusieurs jours consécutifs, le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d’un agent public s’élève à autant de trentièmes qu’il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, même si, durant certaines de ces journées, cet agent n’avait, pour quelque cause que ce soit, aucun service à accomplir. Le calcul peut donc porter sur des jours au cours desquels l’agent n’était pas soumis à des obligations de service (jours fériés, congés, week-ends). Cela s’applique, par exemple, dans le cas d’un week-end, lorsque l’agent a fait grève le vendredi et le lundi, auquel cas la jurisprudence conduit à procéder à la retenue de deux trentièmes à rai- son du samedi et du dimanche. Par ailleurs, les jours de grève ne peuvent en aucun cas être considérés comme des jours de congé ou des jours relevant de l’aménagement et de la réduction du temps de travail (ARTT). Il ne saurait donc y avoir compensation des jours de grève par l’octroi de jours de congé. » La retenue porte sur le traitement brut, sur les heures supplémentaires/ année, sur toutes les indemnités, dont l’ISOE, sur les compléments de traitement mais en aucun cas sur les suppléments familiaux (article L2512-5 du code du Travail). Pour les agents à temps partiel, l’assiette de calcul de la retenue du trentième indivisible, correspond à la rémunération de l’agent gréviste proratisée selon les règles fixées par l’article 40 de la loi du 11 janvier 1984 (circulaire du 30 juillet 2003). La retenue ne peut excéder la quotité saisissable de la rémunération (CE, 13 février 1974, req. n°90 690 ; CE, 12 novembre 1975, req. n°90 611), qui est déterminée en application des articles R. 3252-2 à R. 3252-4 du code du travail.
Quels sont mes recours en cas de retraits sur salaire indus ?
En cas de contestation de la retenue sur traitement, il est possible de formuler un recours administratif ou un recours contentieux. Avant d’entreprendre des démarches, il convient de consulter le syndicat. Pour motiver sa demande, il convient de s’appuyer sur la jurisprudence. Selon celle-ci, l’agent qui ne s’est pas déclaré non gréviste, doit apporter la preuve par tout moyen, qu’il a effectivement accompli son service ou qu’il était en absence régulière (CE, 31 mai 1974, Arcangeli req. 90.478). Un agent bénéficiant d’une décharge totale de service n’a aucune obligation de service à l’égard de l’administration qui n’a pas à lui demander s’il a participé à la grève et de considérer que le silence gardé par l’intéressé justifie une retenue sur rémunération (TA de Paris 7 mai 1997, M. Piezanowski, req. 9214886/5). En revanche, le Conseil d’Etat considère que des enseignants qui manifestent leur volonté de s’associer au mouvement de cessation concertée du travail, sont passibles de la retenue pour absence de service fait, même s’ils n’avaient aucun cours à assurer durant la période de grève (CE, 6 mai 1988 Tinel req. n°69719). Les retenues sur rémunération pour service non fait ne constituent pas une sanction disciplinaire (Cons. Cons. Décision n° 87-230 DC) en conséquence, elles n’ont pas à être précédées de la communication du dossier, du respect des droits de la défense ou d’un avertissement. (CE, 18 avril 1980, Michéa, req. n°10.892). Elles n’ont pas non plus à être motivées (CE, 1ère / 6ème SSR, 2 novembre 2015 req. n° 372377). En revanche, en application de l’article R 143-2 du code du travail, aucune mention de participation à une grève ne doit être portée sur le bulletin de paie. Si la retenue a été effectuée à tort, l’agent a droit au remboursement des sommes irrégulièrement perçues ainsi qu’au versement d’intérêts moratoires. (CE, 5 janvier 1973, Albouy, req. n°81280).
L’exercice du droit de grève a-t-il un effet sur l’avancement de carrière ?
Aucun. L’exercice du droit de grève « ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l’article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux » (article L2511-1 du code du travail). Un agent gréviste est en position d’activité et ses droits à avancement maintenus (CE, 19 juin 1981, req. n°13 975 ; CE, 28 octobre 1988, Min des PTT c/ M. Bonhomme, req. n°61640 ; CE, 12 novembre 1990, M. Mabler req. n° 42875). C’est pourquoi, le conseil d’Etat a annulé la circulaire 2B-00-592 du 26 juin 2000 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie selon laquelle les périodes de cessation concertée de travail, ne devaient « plus être prises en compte pour l’avancement de grade, de classe ou d’échelon des intéressés », (CE, 16 novembre 2001, M. G, req. n° 223883).
L’administration peut-elle décompter les journées de grève pour le calcul de mes droits à retraite ?
En droit c’est possible. L’article L. 63 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les pensions de retraite des fonctionnaires de l’Etat dispose qu’« aucune pension ne peut être concédée si le versement des retenues exigibles n’a pas été effectué ». Or le Conseil d’Etat a estimé qu’il ne devait pas être prélevée la retenue pour pension civile pour les jours de grève (CE avis 10/ 7 SSR du 8 septembre 1995, M. N., req. n°169379), contrairement aux instructions données dans la circulaire de la direction du budget n°113/28/B4 du 11 décembre 1947. En conséquence « les périodes concertées de cessation de travail, qui ne donnent pas lieu au prélèvement de cotisations et de retenues pour pension, ne sont pas prises en compte pour le calcul des droits des fonctionnaires au regard de la retraite » (CAA Nantes, 00NT00744 du 19 février 2004). Dans les faits cependant, comme l’Education nationale ne tient pas registre des journées de grève suivies par les agents, l’exercice du droit de grève n’a pas d’incidence sur le calcul des retraites.
Puis-je être sanctionné(e) pour avoir fait grève ?
L’article L1132-2 du code du travail dispose que « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire mentionnée à l’article L. 1132-1 en raison de l’exercice normal du droit de grève. » Dans la fonction publique, un agent gréviste est dégagé de ses obligations de services. À ce titre, il ne saurait alors lui être reproché de ne pas assurer ses missions. C’est pourtant cette confusion que le ministère et plusieurs rectorats ont tenté d’établir en présentant le retrait d’un trentième de salaire comme une sanction pour manquement aux obligations de service alors que la grève les en libérait. Pour qu’il y ait sanction, il faut qu’il y ait faute (art. 29 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983). Avoir recours à un droit constitutionnel ne peut en aucun cas être assimilé à une faute. En revanche le fait d’être gréviste ne protège pas de poursuites disciplinaires l’agent qui aurait commis des actes répréhensibles pendant le mouvement social (menaces, insultes, dégradations de biens publiques, violences physiques…) ou même de poursuites pénales pour ces même faits (menaces de commettre un crime ou un délit contre les personnes article 222-17 ; injures article R625-8-1 du code pénal ; dégradation de biens articles 322-1 à 322-3-2 ; entrave à la liberté du travail article 431-1 du code pénal ; séquestration arbitraire article 224-1 du code pénal, …)