LA CRISE DU RECRUTEMENT SE POURSUIT
UNE CRISE SÉVÈRE
Le ministère de l’Éducation nationale a publié le nombre des inscriptions aux différents concours de recrutement des professeurs du second degré.
Les statistiques font apparaître toute l’ampleur de la crise.
Les seuls concours internes et externes enregistrent un déficit de 2 695 candidats par rapport à 2024. En huit ans le nombre des inscrits est passé de 117 241 à 77 021 (soit une diminution de 40 220 de personnes). Tous les corps sont concernés : de 2018 à 2025, les effectifs chutent pour l’agrégation externe de 29,99 % en mathématiques, de 36,18% en lettres classiques, de 45,25% en allemand, pour le CAPES externe de 46,10 % en documentation, de 47,88% en physique chimie, de 58,08 en espagnol, et de 29,99% pour le CAPEPS externe.
La conclusion est claire : les métiers de l’Éducation n’attirent plus.
UNE CRISE QUI MET À MAL LA COMMUNICATION OFFICIELLE
Ce manque d’attractivité inflige un cruel démenti aux différents gouvernements qui ont prétendu revaloriser la profession d’enseignant : la réforme PPCR de 2017, le Grenelle de l’enseignement de 2021-2022, les promesses faites par le président Macron le 21 avril 2022 d’accorder une « revalorisation inconditionnelle d’environ 10% » à tous les enseignants. Tout ce battage médiatique n’a trompé personne. Chacun sait qu’un professeur certifié, recruté au niveau bac + 5 commence sa carrière avec un traitement indiciaire brut équivalent à 1,1 fois le SMIC. Le gel de la valeur du point d’indice de la fonction publique en 2024 et en 2025 ne contribue pas à lutter contre le déclassement
de la profession.
Dans le même temps, nul n’ignore combien les conditions de travail se sont dégradées : augmentation du nombre d’élèves par classes, accueil en collège et en lycée d’un public qui relèverait de l’enseignement spécialisé (« acte 2 de l’École inclusive »), relations tendues avec les familles en raison de la réforme du lycée et du baccalauréat Blanquer qui accorde un rôle démesuré au contrôle continu dans l’orientation (arrêtés et décret n° 2018-614 du 16 juillet 2018), désorganisation des établissements depuis la rentrée 2024 provoquée par le pseudo « choc des savoirs », accroissement constante de la charge de travail par le biais des missions liées rendues obligatoires et non rémunérées (décret n° 2014-940 du 20 août 2014)…
Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner si les étudiants répugnent à choisir une voie aussi ingrate.
UNE CRISE PROVOQUÉE PAR LES MESURES DE LIQUIDATION DE L’ÉCOLE ET DES SERVICES PUBLIQUES AU NOM DES POLITIQUES GOUVERNEMENTALES D’AUSTÉRITÉ
Malgré leurs dénégations, cette crise du recrutement n’est pas pour déplaire aux différents dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays. La réforme de la masterisation des concours imposée par Nicolas Sarkozy en 2010 a tari le vivier des candidats qui satisfont les conditions d’admission. La mesure était en cohérence avec sa volonté de réduire le nombre des fonctionnaires.
La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 dite de transformation de la fonction publique s’inscrit dans la même logique. Son article 15 prévoit d’élargir le recours à des contractuels sur les emplois civils permanent de l’État, en contradiction manifeste avec l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (devenu l’article L311-1 du code général de la fonction publique). Un agent non titulaire bénéficie de moins de droits et en général coûte moins cher qu’un titulaire. C’est un peu la version française du programme de Javier Milei en Argentine ou d’Elon Musk au Etats-Unis visant à réduire massivement le nombre des fonctionnaires avant de confier au secteur privé les missions dont ils étaient chargés. Or leur finalité est bien différente. Si la fonction publique a pour objet de servir l’intérêt général, les entreprises sont motivées par la seule recherche du profit.
Ce contexte permet de mieux comprendre pourquoi, à l’occasion du sommet sur l’intelligence artificielle organisé à Paris les 10 et 11 février, on a pu entendre des discours présentant le numérique et l’IA comme le remède aux maux dont souffre l’enseignement. Ils traduisent le projet secret et pour l’instant hors de portée caressé par certains : la mise en place d’une école sans professeurs.
Le comité des écoles et établissements de l’Yonne mobilisés, constatant que la mobilisation dans le département depuis janvier 2025, regroupant personnels, parents et élus, a permis de bousculer « la machine bien huilée des opérations de carte scolaire », puis d’obtenir l’annulation de plus de 40 fermetures de classes, a décidé, pour gagner l’annulation des fermetures restantes, d’appeler « tous ceux qui s’opposent au saccage de l’Éducation » à se rendre au ministère le 15 mars.
Avec la FNEC FP-FO, le SNFOLC soutient cette initiative et appelle l’ensemble de ses syndicats départementaux, de ses militants, à la relayer, à la mettre en discussion partout et à aider à organiser, à coordonner, avec les unions départementales, tous ceux qui refusent le saccage de l’École publique, afin de casser la « machine bien huilée » que cherchent à nous imposer le ministère, ses représentants et soutiens, et de bloquer les mesures d’austérité.
Le SNFOLC s’oppose à cette logique de démantèlement du service public de l’éducation
alors même que selon l’article L111-1 du code de l’Éducation « l’éducation est la première priorité nationale »
C’est pourquoi il revendique :
- l’augmentation du point d’indice : + 10 % tout de suite, et rattrapage des 31 % de pouvoir d’achat perdus depuis 2000 afin de rendre de l’attractivité à la fonction publique,
- le rétablissement du recrutement à bac +3 pour le CAPES/ CAPET/CAPEPS, à bac + 4 pour l’agrégation, et l’abrogation des décrets sur la masterisation des concours,
- la création des postes nécessaires dans toutes les catégories de personnels, notamment enseignants, afin d’alléger les effectifs des classes, d’améliorer les conditions d’apprentissages des élèves ainsi que les conditions de travail des personnels,
- l’abrogation de toutes les contre-réformes remettant en cause les enseignements disciplinaires,
les diplômes nationaux, et avec eux les statuts et missions des personnels : lycée et baccalauréat Blanquer, choc des savoirs, inclusion systématique, pacte…