« Ou la maladie vous tuera, ou ce sera le médecin »
Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, III, 15
Des sondages, des articles de presse, des rapports du MEDEF, de la Cour des Comptes, bientôt de l’Assemblée nationale, le ministère se penchent au chevet de l’Éducation nationale. Et leur constat est unanime, elle va mal, à cause d’une orientation scolaire et professionnelle défaillante.
UN DIAGNOSTIC SÉVÈRE
Un sondage d’OpinionWay réalisé à partir d’un échantillon de 1 064 jeunes âgés de 18 à 24 ans hors lycéens, issus d’un échantillon représentatif des jeunes de 18 à 24 ans dont les résultats ont été présentés le 3 juin 2025 révèle que 56% des jeunes regrettent d’avoir fait un mauvais choix d’orientation par manque d’information.
De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur rapporte que seuls quatre bacheliers 2019 sur dix entrant dans l’enseignement supérieur, toutes filières confondues y ont obtenu un diplôme trois ans après. Pour ce qui concerne spécifiquement l’Université les résultats sont encore plus inquiétants. Un étudiant sur trois a obtenu sa licence sans redoublement (Note d’Information du SIES 25.01 janvier 2025).
Enfin, lors du Conseil des ministres du 28 avril 2025 le gouvernement établit un constat alarmant « en 2024, 480 000 postes sont restés vacants, alors même que 28 % des entreprises du bâtiment et 12 % des entreprises industrielles ont été contraintes de ralentir leur activité, sans compter les restaurateurs, faute de pouvoir recruter suffisamment de personnel » (Conseil des ministres du 28 avril 2025. Adaptation de notre appareil de formation aux besoins de l’économie). Trop d’emplois sont non pourvus alors que le taux de chômage reste en France à un niveau plus élevé que dans les pays comparables.
Le responsable de ce marasme est tout désigné : l’orientation, laquelle, selon la Cour des Comptes, coûterait à l’État 400 millions d’euros et 8 000 équivalents temps plein (or en 2023 on ne comptait que 4 429 ETP de PsyEN EDO…) pour des performances aussi médiocres.
LES AMÈRES MÉDICATIONS DU GOUVERNEMENT
Afin de ramener le patient à la santé, la ministre a présenté le 5 juin 2025 un plan « pour que l’avenir soit un choix ».
Il s’agit d’abord de transférer l’essentiel du travail d’orientation sur les professeurs, et articulièrement les professeurs principaux
- la découverte des métiers de la 5ème à la Tle sous forme de quatre demi-journées,
- l’initiation aux outils : plateforme Avenir(s), plateforme Parcoursup,…
- l’aide à construire un projet d’orientation pour chaque collégien et lycéen, à trouver des stages,
- l’organisation de rencontres parents élèves-professeurs pour tous les élèves de 3ème et de 2de avant le conseil de classe du 2ème trimestre.
Pour ce faire, les enseignants devront suivre pendant leur formation initiale un module sur le sujet. Et dès la rentrée 2025, 30 000 professeurs principaux de 3e subiront une demi-journée de formation à l’automne prochain.
Or, penser que quelques stages permettraient aux professeurs de maîtriser les 363 diplômes professionnels de niveau BEP et baccalauréat et les 123 000 formations proposées dans Parcoursup est totalement illusoire. Le conseil à l’orientation est en soi un véritable métier. Or le nombre de postes proposés au concours de PsyEN EDO est passé de 115 en 2017 à 70 en 2025…
Notons que le ministère n’a pas retenu la proposition de la Cour des Comptes de compenser ce travail supplémentaire par une petite décharge de service ou par une modeste indemnité. Pour le gouvernement, les fonctionnaires doivent travailler plus pour faire dépenser moins à l’État.
Il s’agit ensuite de territorialiser un peu plus l’Éducation nationale en renforçant le rôle des régions notamment dans la mise en relation des établissements scolaires avec les entreprises et en exigeant de chaque collège et lycée l’élaboration d’un projet d’orientation.
Cette mesure rompt avec le principe fondateur de la fonction publique, l’égal accès de tous aux mêmes services sur tout le territoire de la République.
Enfin comme 72% des jeunes estiment que le choix de l’orientation professionnelle interviendrait trop tôt dans le cursus scolaire, le ministère veut développer une année de césure post-bac conçue comme une propédeutique pluridisciplinaire à l’université pour les bacheliers qui hésitent. Cela revient à retarder l’entrée dans la vie active et l’impossibilité pour les futurs salariés d’obtenir une durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
DES REMÈDES DE CHARLATANS ?
Il y a fort à parier que la cure brutale proposée par le gouvernement ne permettra pas de guérir le malade car le diagnostic initial repose sur des a priori erronés.
Pourquoi un tiers seulement des étudiants arrivent à obtenir une licence trois ans après leur baccalauréat ? A cause d’une orientation défaillante ? Peut-être en partie. Mais la raison principale est à chercher ailleurs : dans les insuffisances de l’enseignement secondaire qui, de réforme en réforme, a minoré la place de l’instruction si bien qu’une grande partie des bacheliers ne maîtrisent pas les connaissances nécessaires pour réussir à l’Université. Le gouvernement en semble
conscient puisqu’il veut généraliser une année de propédeutique afin de remettre à niveau les étudiants. Mais ce n’est pas la bonne solution. Il conviendrait de restaurer la place de l’instruction dans les collèges et les lycées.
De même qui faut-il incriminer pour les 480 000 postes non pourvus alors que le chômage reste important dans notre pays ? L’orientation ? Sans doute à la marge. Mais si les collégiens et les lycéens répugnent à s’engager dans les métiers de la restauration ou du bâtiment, c’est que ces emplois sont pénibles, parfois dangereux, et souvent très mal rémunérés.
Que ces secteurs améliorent les salaires et les conditions de travail, et il n’y aura plus de problème de recrutement. Faute d’apporter de véritables solutions à la crise, les pouvoirs publics en sont réduits à faire de l’orientation scolaire et professionnelle un régulateur des flux, en lui assignant un
double objectif
- écarter des études supérieures les élèves auxquels l’enseignement secondaire n’a pas apporté les savoirs nécessaires pour y réussir,
- préparer ce jeune public à occuper, au moindre coût, les emplois que le patronat lui destine.
Pour rompre avec cette logique délétère, le SNFOLC revendique
- l’abrogation des contre-réformes Vallaud-Belkacem du collège, Blanquer du lycée et du baccalauréat, ainsi que de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 dite d’« orientation et [de] réussite des étudiants »,
- la suppression de Parcoursup,
- la restitution des heures d’enseignement disciplinaire dont les élèves du second degré ont été
privés pour des raisons d’économie budgétaire et qui hypothèquent leur réussite dans l’enseignement supérieur, - le rétablissement du baccalauréat comme examen national, terminal, disciplinaire, ponctuel et
anonyme, premier grade universitaire, - le retour à l’État des compétences relatives à l’information sur les métiers et les formations,
- le recrutement des PsyEN EDO à la hauteur des besoins,
- le maintien d’un réseau de CIO couvrant l’ensemble du territoire et la réouverture de ceux fermés.