QUAND LES REMÈDES S’AVÈRENT PIRES QUE LE MAL
L’Inspection Générale a remis un rapport sur la classe de seconde qui ne dissimule en rien la situation alarmante qui prévaut actuellement :
« depuis la mise en place des tests de positionnement en début de seconde, on observe […] en voie générale et technologique et en voie professionnelle, une baisse du score moyen en français » (p.15) , les « cohortes d’élèves disposent d’une moindre maîtrise des connaissances fondamentales et disciplinaires et rencontrent de plus en plus de difficultés à en acquérir de nouvelles » (p.14).
Les solutions qu’elle propose s’orientent dans trois directions.
PLUS DE TERRITORIALISATION
Le rapport recommande d’accroître le rôle des territoires que ce soit dans l’offre de formation proposée aux élèves (« l’échelon régional apparait aujourd’hui comme le plus pertinent pour faire évoluer la carte des formations », p.79), aux personnels (« déployer, au niveau académique, des formations d’initiative locale à destination des professeurs, qui répondent à des problématiques de
territoire afin d’accroitre leur connaissance des parcours et de leur diversité, et de renforcer ainsi leurs capacités d’intervention auprès des élèves », p. 3) ou même dans les activités (dans le cadre d’un « projet de classe », p. 3, ou d’initiatives à l’échelon de de l’établissement, du bassin…)
Sous prétexte de permettre une prise de décision au plus près du terrain, l’État cherche à se défausser de ses responsabilités sur les acteurs locaux (recteurs, DSDEN, équipes pédagogiques, collectivités territoriales, associations…) afin de leur faire endosser les dysfonctionnements qui résultent pourtant directement de choix gouvernementaux aberrants : baisse des moyens, suppressions de postes, mesures qui remettent en cause la qualité de l’instruction comme la réforme Blanquer du lycée et du baccalauréat, les groupes de niveau, l’inclusion systématique….
Cet affaiblissement du cadre national pour exonérer le ministère de ses responsabilités ne peut conduire qu’à un renforcement des inégalités entre les académies, les départements, les établissements, voire entre les différentes sections d’un même EPLE. Il livre le service public de l’Education à l’influence des baronnies locales qu’elles soient politiques, économiques, voire religieuses. Dès lors, l’Ecole manque à sa mission, elle n’est plus un facteur d’émancipation, un moyen d’accès à l’universel, mais un lieu d’assignement à son quartier, à sa communauté, à son ghetto.
PLUS D’ENDOCTRINEMENT
L’Inspection générale préconise ensuite de réduire la place accordée aux savoirs. Les « programmes [seraient] trop exigeants » (p. 20), « trop cloisonnés » (p. 44). Dans les établissements, la répartition des moyens d’enseignement ferait la part trop belle aux disciplines alors qu’il serait nécessaire de consacrer plus de temps aux méthodes et à l’accompagnement. Il faudrait « proposer des axes d’amélioration de l’utilisation actuelle de la DHG (dotation horaire globale) pour mieux accompagner les apprentissages des élèves : aide aux devoirs ; soutien pour pallier les carences d’expression écrite, améliorer la richesse du lexique, renforcer les capacités de calcul ; développement des compétences psychosociales et de la persévérance scolaire ; projet spécifique de classe ».
Ce renoncement à instruire s’accompagne d’une volonté inquiétante de renforcer l’instrumentalisation politique et le formatage idéologique des élèves. L’Inspection générale préfère employer le terme d’« engagement », connoté plus positivement : « en s’engageant dans des actions concrètes, un lycéen découvre que ses idées, ses initiatives et ses actions peuvent avoir des effets sur son environnement » (p.38). Mais bien sûr tous les militantismes ne se valent pas. La jeunesse est sommée de choisir ceux qui respectent « les valeurs de la République », en clair ceux qui sont conformes au programme du parti politique au pouvoir.
Le rapport est cependant obligé de reconnaître que les initiatives en ce sens comme le SNU, la « classe engagée » ou la « séquence d’observation en milieu professionnel des élèves de seconde générale et technologique » sont loin de susciter l’enthousiasme en raison d’une part de la faible implication des personnels (« il y avait peu de préparation et d’accompagnement des élèves », p.95) et d’autre part de la « non-adhésion des participants aux valeurs [que ces dispositifs] sous-tendent » (p.40-41).
PLUS DE TRAVAIL POUR LES PERSONNELS
Comme, leurs performances sont jugées insuffisantes, les professeurs se voient enjoints de suivre divers stages.
« Pour contribuer à cette montée en compétences des professeurs de collège et afin de mieux voir les spécificités de la voie technologique, la mission a pu observer des actions de formation dédiée incluant la visite des plateaux techniques et des laboratoires » (p. 24), Il convient de « proposer des formations pour la rentrée 2025, aux niveaux national et académique, sur la gestion des classes hétérogènes, comme la classe de seconde, dans la formation initiale et continue des enseignants : mise en évidence des points de vigilance et mise en place de solutions concrètes dans les classes » (p. 23).
Il se doivent également d’assurer « la cohérence et l’évolution progressive des règles collectives, des
modalités d’enseignement par discipline afin de réduire l’écart entre les connaissances acquises au collège et les attendus des programmes du lycée, des modalités et des attendus d’évaluation ; ceci avec un pilotage par les corps d’inspection territoriale, une programmation fixée en amont une progression définie dans une perspective pluriannuelle » (p.19). Il est difficile de ne pas y voir une
nouvelle attaque contre la liberté pédagogique pourtant reconnue par l’article L912-1-1 du code de l’Éducation).
Il leur faut aussi s’occuper davantage qu’ils ne le font des élèves en difficulté, « renforcer les temps dédiés à leur soutien, à la construction d’un projet motivant et valorisant leur potentiel et nommer un coordinateur pour un suivi renforcée et une approche collective des actions menées : journée(s) d’accueil et d’intégration, temps de travail, entretiens, tutorat, bien-être des élèves, immersions » (p.33).
La faiblesse des préconisations saute aux yeux. Comment « renforcer la dimension technologique de la seconde générale et technologique » (p. 33) et revaloriser cette discipline alors qu’elle a été éradiquée de la classe de 6ème ?
Comment peut-on proposer des remédiations efficaces aux fragilités et aux lacunes des lycéens alors les causes de cette situation ne sont jamais évoquées ? Comment peut-on croire un instant que c’est en continuant à réduire toujours plus la place des savoirs à l’École que l’on guérira les maux dont souffre l’Éducation nationale ?
Lorsqu’elle a été reçue le 6 février par la DGESCO, la FNEC FP-FO a été interrogé sur ce qu’il fallait
faire pour « rassurer les parents ». Elle a répondu à ses interlocuteurs que l’objectif ne devait pas être de « rassurer les parents » (leurrer les électeurs ?) mais bien d’instruire les élèves afin de leur permettre de devenir des citoyens libres, responsables et éclairés.
Pour ce faire, il convient de :
- rétablir les horaires d’enseignement disciplinaire supprimés depuis plusieurs décennie par souci d’économie budgétaire,
- créer les postes nécessaires afin de réduire les effectifs des classes et d’améliorer les conditions tant d’apprentissage des élèves que de travail des professeurs,
- revaloriser de 31% le point d’indice afin d’une part de compenser les pertes de pouvoir d’achat accumulées depuis 2000 et d’autre part de ne pas détourner du service public de l’Éducation les étudiants les plus brillants,
- respecter la mission de l’École qui est de développer la capacité de raisonnement et l’esprit critique des élèves et non d’embrigader la jeunesse ou de contrôler la conformité de ses opinions avec l’idéologie du pouvoir,
- abroger les contre-réformes qui ont remis en cause les enseignements disciplinaires, les diplômes nationaux, et avec eux les statuts et missions des personnels : lycée et baccalauréat Blanquer, choc des savoirs, inclusion systématique, pacte…
Le comité des écoles et établissements de l’Yonne mobilisés, constatant que la mobilisation dans le département depuis janvier 2025, regroupant personnels, parents et élus, a permis de bousculer « la machine bien huilée des opérations de carte scolaire », puis d’obtenir l’annulation de plus de 40 fermetures de classes, a décidé, pour gagner l’annulation des fermetures restantes, d’appeler « tous ceux qui s’opposent au saccage de l’Éducation » à se rendre au ministère le 15 mars.
Avec la FNEC FP-FO, le SNFOLC soutient cette initiative et appelle l’ensemble de ses syndicats départementaux, de ses militants, à la relayer, à la mettre en discussion partout et à aider à organiser, à coordonner, avec les unions départementales, tous ceux qui refusent le saccage de l’École publique, afin de casser la « machine bien huilée » que cherchent à nous imposer le ministère, ses représentants et soutiens, et de bloquer les mesures d’austérité.