LES PROFESSEURS DOCUMENTALISTES POURRONT-ILS ENCORE ENSEIGNER ?
Détenteurs d’un CAPES Documentation créé en 1989, les professeurs documentalistes sont des enseignants à part entière, « enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias » comme l’indique leur circulaire de mission et ils ont été formés pour cela. Pourtant aucun volume horaire n’étant officiellement défini, ceux-ci doivent généralement négocier avec leur direction et avec leurs collègues, convaincre de la légitimité de leurs interventions et de leurs choix pédagogiques, pour assurer des heures d’enseignements. Et quand ils y parviennent, ils doivent encore se battre pour faire appliquer le décret 2014-940 selon lequel 1 heure d’enseignement doit être décomptée comme 2 heures de service.
Alors que les professeurs documentalistes peinent déjà à obtenir des créneaux pour mener des séances pédagogiques avec des classes ou des groupes et font déjà trop souvent fonction de « bouche trou », la complexification des emplois du temps avec la mise en place des groupes de niveaux en français et en mathématiques risque d’en diminuer encore les possibilités.
Le choc des savoirs est aussi une atteinte à une autre de leurs missions qui est d’être « acteur de l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel ». Dans les faits cela se traduit par la conduite et la participation à de nombreux projets au sein des établissements. Or, les groupes de niveaux vont être un frein à tous les projets de classe à l’année.
Comment alors assurer une progression en EMI et en IRD de la 6e à la 3e ? Comment continuer à mettre en place des projets interdisciplinaires, pédagogiques et culturels avec des classes à l’année ? Se dirige-t-on vers un prof-doc « AED de luxe », faisant garderie toute la journée, sans possibilité d’assurer ses missions pédagogiques ?
L’arrêté du 15 mars 2024 modifiant l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège dispose que « 18 heures annuelles (sont) consacrées à l’engagement et à la participation des élèves aux projets d’éducation à la citoyenneté, aux médias et à l’information ». Mais aucun moyen supplémentaire correspondant à ces 18h n’est prévu dans les DHG, et aucune clarification n’est apportée sur le rôle de chacun des personnels dans ces projets (comme c’était déjà le cas pour les EPI, IDD et autres TPE, qui ont essentiellement eu pour conséquences de diminuer les
heures d’enseignement disciplinaire).
LES PROFESSEURS DOCUMENTALISTES À LA RESCOUSSE POUR FAIRE PASSER LE « CHOC DES SAVOIRS » ?
Selon le ministère, les « freins techniques » qui empêchaient aux professeurs documentalistes de percevoir la prime de professeur principal seraient en cours d’être levés. Quelle coïncidence au moment où la réforme Attal-Belloubet aurait pour conséquence de dénaturer la fonction de
professeur principal pour les professeurs de français et de mathématiques et créer une pénurie de volontaires !
Comme d’habitude, les professeurs documentalistes se rappellent ainsi au bon souvenir du ministère et des directions d’établissement quand il s’agit de trouver des moyens pour pallier le manque d’assistants d’éducation, d’encadrant pour diverses actions et maintenant de
professeur principal.
Les enseignants documentalistes ne sont pas dupes !
Ils refusent de servir de roue de secours pour mettre en œuvre une réforme qui va davantage dégrader, pour tous, l’enseignement et les conditions de travail.
DES SALAIRES EN BERNE, DES INÉGALITÉS DE TRAITEMENT QUI PERDURENT
Comme tous les fonctionnaires, le pouvoir d’achat des professeurs s’effrite depuis des années du fait du gel du point d’indice auquel s’ajoute une inflation galopante depuis 2 ans (5,2 % en 2022 et 5,7 % en 2023). Et ce ne sont pas les cinq points d’indice ajoutés au 1 er janvier 2024 (soit une augmentation de 24,60 € brut) qui vont compenser les pertes subies depuis 20 ans.
Pour les professeurs documentalistes, la prime ISP (Indemnité de sujétion particulière) a enfin été alignée en septembre 2023 sur l’ISOE (Indemnité de suivi et d’orientation des élèves). Cela ne doit pas faire oublier les autres inégalités de traitement qui perdurent.Ils ont en particulier été exclus du versement de la prime informatique mise en place en 2020. Pour le SNFOLC, les professeurs documentalistes doivent bénéficier de la prime de 150 € net d’équipement informatique comme les
autres professeurs.
Il n’existe pas d’agrégation de Documentation, ce qui fait de cette discipline une exception et interdit l’accès aux rémunérations les plus élevées. Les professeurs documentalistes n’ont pas droit aux HSA. Les heures devoirs faits et HSE sont plafonnées pour eux à 30 €. Certaines heures effectuées par les professeurs documentalistes sont même payées sous forme de « vacations intervenants extérieurs » pour un montant de 27,44 € l’heure. Le SNFOLC demande que les heures de « devoirs faits » assurées par les professeurs documentalistes soient rémunérées au même niveau que les HSE des autres professeurs, c’est-à-dire 42,32 € pour un certifié classe normale.
Les revendications des professeurs documentalistes rejoignent celles de tous les enseignants
- Suppression du pacte, octroi de la prime informatique et rémunération de toutes les heures pour missions diverses à la même hauteur que les professeurs certifiés des autres disciplines (Devoirs faits, HSE, indemnité PP…)
- Application du décret 2014-940 : 1 heure d’enseignement décomptée comme 2 heures de service
- Respect du statut, droit à la formation continue sur le temps de travail, non aux formations hors temps de travail
- Défense et respect de la spécificité de leur discipline, avec les moyens de mettre en œuvre les missions
- Recrutement de professeurs documentalistes en nombre suffisant
- Un corps d’inspection spécifique et la création d’une agrégation
- Augmentation du point d’indice pour rattraper les pertes de pouvoir d’achat subies depuis 2000 sans délai, sans contrepartie !
- Abrogation de la réforme dite du « choc des savoirs » et des groupes de niveaux.