Ni acte I, ni acte II
Abrogation !
La mobilisation contre le « choc des savoirs » de l’ex-ministre de l’Education Attal a pris des formes et des dimensions inédites l’année dernière. Les enseignants, en lien avec les parents d’élèves, ont multiplié toute l’année les motions, les réunions, les AG, les grèves. Des dizaines de milliers de familles n’ont pas envoyé leurs enfants à l’école dans des opérations d’une ampleur jamais vue de « collèges déserts ».
Ces mobilisations ont contribué à entraver l’application de la réforme. Lorsqu’ils se sont mis en place, les groupes « de besoin » ont été organisés de manière très diverse d’un collège à l’autre. Partout on constate, ici des dégradations d’emploi du temps, là des problèmes de salles, des suppressions d’options, de dédoublement, toujours plus de réunions, la remise en cause de la liberté pédagogique, des tensions avec les parents, dans les équipes, des pressions pour être professeur principal, des sorties remises en cause…
Le « choc des savoirs », c’est aussi moins de garanties sur l’enseignement des lettres classiques avec la possibilité de réduire de 2 heures le volume disciplinaire sur le collège, c’est la confirmation de la suppression de l’heure de technologie et une heure d’enseignement en moins par semaine en 6ème .
Alors que le budget 2025 annonce 4000 suppressions de postes d’enseignants à la rentrée prochaine, et que le ministre Kasbarian prévoit d’allonger de 1 à 3 jours le délai de carence pour les fonctionnaires et de réduire de 100 à 90% le traitement indiciaire perçu à partir du 4ème jour des arrêts de maladie ordinaire, la ministre Genetet continue les provocations avec ses annonces sur l’acte II du « choc des savoirs ».
Les annonces de Genetet vont encore plus loin que les décrets et arrêtés du 17 mars organisant le « choc des savoirs ». Après la réforme du collège de 2015 et celle du lycée de 2018, qui ont supprimé des milliers d’heures disciplinaires, après le baccalauréat Blanquer et Parcoursup, véritables machines à déqualifier la jeunesse, le gouvernement va toujours plus loin dans la déréglementation, la territorialisation, la dégradation des conditions d’apprentissage des élèves, la surcharge de travail pour les personnels et donc la destruction de l’Ecole publique.
MAINTIEN DES GROUPES EN FRANÇAIS ET EN MATHÉMATIQUES EN 6ÈME ET EN 5 ÈME
Pour le SNFOLC, il n’y a pas de « bonne » application de la réforme. Comme pour la démultiplication
des réunions suite au décret Hamon du 20 août 2014, le ministère prévoit un durcissement de l’application de la réforme, année après année. La ministre a clairement affirmé : « la mise en place des groupes de besoins en 6ème sera bien obligatoire dans tous les collèges simplement, évidemment, l’allocation des postes supplémentaires sera calculée par les académies en fonction des besoins ».
Ainsi, non seulement les groupes sont obligatoires, mais leur mise en place, définie dans le cadre de politiques académiques n’offrant aucune garantie sur les moyens mis à disposition, va accélérer la territorialisation de l’Ecole.
Fondamentalement, la philosophie de la ministre et de ses prédécesseurs est la mise au pas des enseignants, la fin de la liberté pédagogique, la remise en cause de l’instruction.
Le vademecum de la mise en place des groupes de niveau publié le 15 mai 2024 prévoit :
Des réunions incessantes
« […] programmer des temps de concertation réguliers entre les enseignants de mathématiques d’une part et de français d’autre part, expliciter auprès des élèves et des familles les principes et l’articulation des groupes : par exemple, répartition de l’élève dans tel groupe avec justification de ce choix . »
« Des entretiens avec les élèves et/ou les familles, dans le but de mesurer les évolutions, peuvent également contribuer à établir des bilans ».
Remise en cause de la liberté pédagogique
En mathématiques :
« L’équipe des enseignants peut mener un travail sur une trace écrite commune à tous les élèves, quel que soit le groupe dans lequel il est placé. Ainsi le cahier de cours peut devenir un outil commun à l’ensemble des élèves et assure la cohérence et la flexibilité entre les groupes. »
En français :
« Pour permettre aux élèves d’atteindre les objectifs de l’année en français, il est plus que jamais essentiel que les professeurs élaborent ensemble une progression concertée. »
Ce que dit la ministre :
« Un enseignant m’a dit “ On est content d’avoir découvert tout ce qu’on pouvait faire ensemble “ »
Au sujet des élèves perdus entre les différents groupes : « c’est un dispositif génial pour aller vers
l’autonomie des élèves. »
Un autre enseignant a dit « je découvre le besoin de mes élèves, je n’en avais pas conscience avant ».
GROUPES DE BESOINS ÉTENDUS EN 4ÈME ET EN 3ÈME ET AUGMENTATION DE « DEVOIRS FAITS » ET DES « STAGES DE RÉUSSITE » PENDANT LES VACANCES
Avec l’horaire plancher, les élèves sont répartis une heure par semaine en fonction de leur besoin, avec souvent le même effectif que dans les classes.
Une semaine, une heure de mathématiques, et l’autre, une heure de français. Ce sont donc deux heures de plus qu’il faudrait mettre en barrette dans les emplois du temps qui s’en trouveront encore plus détériorés pour les enseignants. En abaissant les horaires au plancher sans moyens pour dédoubler, les enseignants de mathématiques et de français risquent de devoir prendre en charge au moins une classe en plus chacun.
Là encore, pas de réduction d’effectif garantie et les derniers demi-groupes et options menacés.
Réponse à la question d’une journaliste :
« Pourquoi seulement une heure de groupe de niveau en 4ème et 3ème ? »
« l’objectif c’est qu’évidemment en 6ème et 5ème , les groupes de besoins permettent à tous les élèves de rattraper le cas échéant le retard qu’ils avaient à l’entrée au collège. En 4ème et 3ème ils sont davantage axés sur la préparation du DNB »
La ministre chiffre à 1000 le nombre de postes supplémentaires que cela représenterait. Alors que le budget prévoit 180 suppressions de postes dans les collèges et lycées à la rentrée 2025 (après 484 suppressions à la rentrée 2024), la ministre évoque des « redéploiements ». Mais il manque des enseignants partout ! Faute d’enseignants en mathématiques et en français, la ministre veut les obliger à prendre en charge une classe de plus en imposant les horaires planchers sans moyens supplémentaires.
Exemple : vous êtes professeur de français, vous avez actuellement 2 classes de 4ème (2 X 5h) et 2 classes de 3ème (2 X 4,5h), votre service est de 19h.
Avec le projet Genetet : votre service s’élèverait désormais à 17h : (4,5h X2) + (4hX2)
Vous seriez alors en sous service. On vous ajouterait une classe de 3ème à 4h et votre service serait de 21h. Voilà où la ministre les trouve les 1 000 postes ! C’est vous qui allez y participer !
La ministre souhaite aussi permettre à deux fois plus d’élèves de suivre des heures de « devoirs faits ». Les heures ne sont déjà pas toutes assurées cette année : les enseignants refusant d’alourdir leur charge de travail en effectuant toujours plus d’heures, ou de devoir prendre en charge des parts de Pacte pour améliorer leur rémunération en lieu et place d’une véritable augmentation de salaire…
Le SNFOLC s’est toujours opposé à « devoirs faits », dispositif qui permet à des associations, des parents d’élèves, des AED, d’assurer les heures, au même titre que les enseignants, mais pas avec la même rémunération.
Et pendant les vacances, plus de « stages de réussites », eux aussi financés par des Pactes. Ces deux dispositifs ne sont pas obligatoires, mais le risque est grand que la pression soit mise sur les enseignants pour qu’ils entrent dans ces dispositifs pour ne pas être rendus responsables de la sortie du système des élèves en difficulté.
BREVET OBLIGATOIRE À LA SESSION 2027
Les évolutions du DNB :
- Nouvel équilibre entre contrôle continu (40%) et épreuves terminales (60%) ;
- Moyenne sur les moyennes des disciplines de la 3ème à la place des points de compétence ;
- Les notes des épreuves écrites d’Histoire-Géographie et d’EMC seront séparées dès 2025 ;
- Les épreuves terminales ne porteraient que sur le programme de 3ème et non plus sur le cycle 4 en entier ;
- Introduction d’une mention « Très bien avec félicitations du jury » ;
- Brevet obligatoire pour entrer en seconde générale ou technologique dès la session 2027
La ministre Genetet estimant que les élèves entrés en 6ème en 2023 auront tous pu « bénéficier » du « choc des savoirs » ou de l’heure supplémentaire en mathématiques ou en français (retirée dès l’année suivante sans retour de l’heure de technologie), il serait légitime de rendre le brevet des collèges obligatoire en 2027. Les élèves qui n’obtiendraient pas le brevet seraient affectés en CAP ou dans une classe « prépa seconde ».
Cette mesure risque donc d’augmenter la déscolarisation des élèves qui étaient auparavant majoritairement scolarisés dans les lycées professionnels et va les livrer à l’apprentissage pour répondre à la demande du patronat.
Dans la continuité des contre-réformes remettant systématiquement en cause les enseignements disciplinaires, aucun moyen n’est mis en place pour surmonter les difficultés des élèves tout au long du collège et ce n’est sûrement pas ces mesures de dégradation et de désorganisation de l’Ecole qui vont leur apporter les savoirs et les méthodes qui leur font défaut. Il est donc intolérable que le DNB devienne un couperet en 3ème , excluant du système scolaire des élèves que la dégradation actuelle des conditions d’enseignement n’aura pas permis d’aider à remédier à leurs difficultés. La seule solution imaginée par le ministère est de les dissuader de poursuivre vers la voie générale et
technologique mais aussi de la voie professionnelle. Cela lui permet de faire des économies à très court terme.
Alors que, sans grande surprise, les « classes prépa seconde » n’ont pas fait le plein cette année, le ministère prévoit d’en mettre une dizaine en place par département pour la rentrée 2025.
Aucun programme n’est prévu mais « l’organisation et la mise en œuvre de la formation s’appuient sur des projets pédagogiques, [dont] les thématiques sont définies par l’équipe pédagogique, puis validées par le chef d’établissement ». C’est un niveau totalement territorialisé, en dehors de tout cadre national et qui présentera une charge de travail supplémentaire conséquente pour les enseignants qui en auront la responsabilité.
À la fin de leur année, les élèves n’auront pas l’obligation de repasser le DNB. Ils se verront délivrer une « attestation de fin de cycle préparatoire à la classe de seconde ».
LABELLISATION DES MANUELS
Malgré l’opposition de tous, là encore, la ministre Genetet confirme la procédure de labellisation des manuels. Le SNFOLC a toujours dénoncé l’attaque contre la liberté pédagogique. Le financement par l’état des manuels labellisés imposés en CP/CE1 en éducation prioritaire et en zone rurale est inacceptable.
Dans ces écoles, LE manuel choisi par le ministère serait imposé à tous les enseignants. Il faut mettre la jeunesse et les enseignants au pas dès le plus jeune âge, imposer les « valeurs de la république » dans ces écoles.
Avec cette mesure, le ministère fait injure aux professeurs en laissant entendre que ceux-ci ne sont pas capables de juger de la conformité d’un manuel scolaire avec les programmes d’enseignement et sa qualité pédagogique et didactique. C’est une atteinte grave à la liberté pédagogique. Un enseignant qui utilisera un manuel non labellisé prendra de grands risques en cas d’inspection et à terme, les éditeurs n’imprimeront plus de manuels non labellisés par crainte de ne pouvoir les vendre.
La notion même de labellisation est contraire à la liberté pédagogique des enseignants à laquelle FO est très attachée. En France, les seuls précédents renvoient à une période assez peu glorieuse, celle du régime de Vichy.
RECRUTEMENT DE 150 CPE ET 600 AED EN JANVIER 2025
Pour améliorer le « climat scolaire », le recrutement de 150 CPE et 600 AED est prévu. Ce sont les 10 000 suppressions de postes statutaires en 10 ans qu’il faut rétablir. Alors qu’il manque partout de PsyEN, de médecins et d’infirmières scolaires, d’assistantes sociales, 150 CPE pour toute la France pourraient améliorer le climat scolaire ? C’est de la provocation.
Ce ne sont même pas des crédits supplémentaires que prévoit la ministre, mais bien « des redéploiements », des emplois de contractuels.
UNE ÉPREUVE ANTICIPÉE DE MATHÉMATIQUES POUR TOUS LES ÉLÈVES DE 1ÈRE
Deux épreuves seront prévues, une pour les élèves qui suivent un enseignement de spécialité de mathématiques et une autre pour ceux qui ont l’horaire du tronc commun.
La réforme Blanquer du lycée a retiré les mathématiques du tronc commun. Depuis, seule 1,5 heure d’enseignement scientifique (pas forcément de mathématiques) a été rétablie en première, loin de compenser toutes les heures supprimées. La ministre met en place une épreuve de mathématiques pour « évaluer la culture commune scientifique et mathématique » en première, toujours dans une logique d’évaluation en lieu et place de l’enseignement disciplinaire.
Les enseignants de mathématiques vont subir le calendrier intenable des enseignants de français voyant se cumuler les épreuves anticipées, les épreuves de spécialité, le grand oral…
Le SNFOLC revendique l’abrogation de la réforme et du baccalauréat Blanquer et le retour à un baccalauréat national, avec des épreuves terminales, disciplinaires, nationales et anonymes.
Vote le 8 février 2024 du Conseil Supérieur de l’Education (CSE) sur le projet d’ arrêté modifiant l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège :
67 contre, 0 voix pour et une abstention (UNAF)
MAINTIEN DES MODIFICATIONS DES RÈGLES DE REDOUBLEMENT
La ministre a dit : « Les enseignants continueront d’avoir le dernier mot sur le redoublement »
Rappel des textes du « choc des savoirs » sur le redoublement :
- Les élèves devront avoir participé aux actions pédagogiques du programme personnalisé de réussite éducative (PPRE)
- Ces actions, avec l’accord des responsables légaux, et sur la base du volontariat des professeurs, peuvent prendre la forme de stages de réussite organisés lors des vacances scolaires dans la limite de trois semaines par an
- Des rencontres doivent être organisées avec les responsables légaux avant la fin du second trimestre (premier semestre).
Si le ministère voulait mettre en place un redoublement utile aux élèves, il lui fallait créer des milliers de postes, ce qui n’est pas le cas.
Les commissions d’appel resteront en vigueur. L’article L311-7 du code de l’Education disposant que « le redoublement ne peut être qu’exceptionnel » n’est pas abrogé. Au final, il n’y aura pas plus de redoublements mais on fera assumer la responsabilité de faire passer des élèves qui n’ont pas le niveau aux professeurs qui n’auront pas voulu/pu mettre en place les « actions pédagogiques » prévus par la réformes et cités ci-dessus.
DES NOUVEAUX PROGRAMMES EN FRANÇAIS ET MATHÉMATIQUES POUR LES CYCLES 1, 2 ET 3 ET EN LANGUES VIVANTES POUR LA 6ÈME ET LE LYCÉE À LA RENTRÉE 2025.
ET POUR LA RENTRÉE 2026, L’ENSEMBLE DES PROGRAMMES DES AUTRES MATIÈRES DE LA 6ÈME À LA 3ÈME DANS LE CADRE DE LA REFONTE DU SOCLE COMMUN DE COMPÉTENCES
Les programmes sont modifiés régulièrement, au gré des lubies ministérielles, sans qu’aucun bilan ne soit jamais tiré. Les enseignants, tenus de prendre en compte ces nouveaux programmes, vont, à nouveau, voir leur charge de travail augmenter.
Le rapport de l’Inspection générale relatif à la formation continue des enseignants du second degré qui préconise de réduire encore le temps de formation et de le déplacer systématiquement en dehors du temps de travail rend ces mesures encore plus inacceptables pour les enseignants.
L’acte II du « choc des savoirs » est une aggravation supplémentaire des conditions de travail et des conditions d’apprentissage. Chaque mesure représente une charge de travail supplémentaire pour les personnels. En remettant en cause le droit à l’instruction pour tous, le gouvernement pousse les familles qui le pourront à choisir le privé plutôt que le chaos.
Face à ces attaques contre le droit à l’instruction et face aux attaques du ministre Kasbarian contre les fonctionnaires, pour le SNFOLC, la résistance est plus que jamais à l’ordre du jour.
L’heure est au rassemblement des personnels, afin d’engager dès maintenant la préparation de la grève pour l’annulation des 4 000 suppressions de postes, la grève pour aucune fermeture de classe, aucune fermeture de poste, pour l’abrogation de la réforme du « choc des savoirs » dans son intégralité et pour la satisfaction de toutes les revendications des personnels. L’heure est à la préparation de la grève avec tous les agents de la Fonction publique contre les mesures Kasbarian de mise en place des 3 jours de carence, de l’indemnisation des jours d’arrêt maladie à 90% et des attaques à venir contre le Statut !
L’intersyndicale des cheminots appelle à une grève d’avertissement le 21 novembre, puis à la grève illimitée à partir du 11 décembre. Ils ont raison !
Pour Force Ouvrière, si les trains, les services publics et les établissements scolaires s’arrêtent, cela permettra de créer le rapport de force pour contraindre le gouvernement à retirer l’ensemble de ses mesures !
Le SNFOLC, avec la FNEC FP-FO, et avec sa fédération de fonctionnaires, la FGF-FO, appelle se joindre à la grève des cheminots, dans l’unité la plus large.
Le SNFOLC invite les personnels à se réunir partout sur leur lieu de travail (en réunions d’information, en assemblées générales…), pour débattre de ces questions et décider de la manière la plus efficace de construire le rapport de force pour faire reculer le gouvernement.